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22 | RENFORCER LA GOUVERNANCE DE L’OCÉAN
TABLE RONDE JURIDIQUE
Quels droits pour les pôles
et les fonds marins ?
Prenant de l'ampleur, l'événement porté par la Fondation Prince Albert II de
Monaco s’affirme comme un débat sur le droit appliqué aux problématiques
océaniques et environnementales mondiales. Sa deuxième édition a focalisé
l'attention des experts sur les pôles et les grands fonds marins.
Des experts internationaux représentant la Notamment en Antarctique, qui est une vaste réserve
communauté se sont réunis lors de la table ronde naturelle qui « s’ouvre au tourisme mais n’en est pas
organisée durant la Monaco Ocean Week, le 22 mars moins fragile avec un territoire à 99 % sauvage ».
2024, au Yacht Club de Monaco. Prononçant les
mots de bienvenue, Olivier Wenden, vice-président et CHANGER DE CADRE
administrateur délégué de la Fondation Prince Albert II
de Monaco, souligne l’importance d’impliquer cette « Pour le futur, nous aurons certainement à asseoir
communauté rarement convoquée lors des grands la question de la limitation. Si vous voulez vraiment
rendez-vous organisés en faveur de la protection de protéger l’Antarctique, notamment des menaces
l’océan : « Nous ne pouvons nous passer d’elle au industrielles, vous devez vraiment prendre des
regard de tous les enjeux qui nous attendent d’ici mesures de limitation, et peut-être considérer ce
2030 et 2050 ». territoire comme une entité juridique », prévient
Kees Bastmeijer, professeur d'études arctiques et
ENCADRER LE TOURISME antarctiques, directeur du Centre arctique à l’université
POLAIRE de Groningen (Pays-Bas). « Nous regardons seulement
à des échelles de 10 ou 15 ans en Antarctique, mais
Activités de croisière, de kayak, kitesurf, ski, nous devrions regarder les impacts sur 7 générations,
randonnées polaires, whale watching… Quels sont comme les populations autochtones ».
les dangers du tourisme polaire, en plein essor, et
quelles réglementations sont susceptibles de réguler De plus, un cadre juridique axé sur la biodiversité
ces activités ? Les risques pour la biodiversité, la prendrait pleinement en compte les diverses
sécurité, mais aussi pour les populations locales espèces occupant l’espace, tout comme les lois anti-
sont encore mal mesurés. « Nous devons améliorer discrimination pour les sociétés humaines. « S’éloigner
notre réglementation en impliquant les communautés d’une vision anthropocentrique du monde n’est pas
et les scientifiques qui vivent dans ces territoires », une innovation : c’est revenir à la sagesse indigène »,
préconise Anne Choquet-Sauvin, enseignante-cher- ajoute Kees Bastmeijer. En outre, « nous devons tenir
cheure en droit à l’université de Bretagne occidentale compte de la donne des changements climatiques
et présidente du Comité national français des et de leurs impacts sur les routes migratoires des
recherches arctiques et antarctiques, avant d’ajou- espèces, comme les baleines », renchérit Margaret
ter : « Certaines compagnies proposent d’embarquer Williams, chargée de mission à la Harvard Kennedy
des scientifiques à bord pour mener des activités School du Belfer Center for Science and International
scientifiques dans des zones inexplorées : il faut nous Affairs (États-Unis), qui évoque l’éventualité de créer
montrer prudents ». des « sanctuaires de silence » pour les espèces
polaires.