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18 | ENRAYER LA POLLUTION PLASTIQUE
John McGeehan
professeur de biologie structurelle, directeur du Centre
d’innovation enzymatique de l’université de Portsmouth
© Stefan Venter, UPIX Photography
(Royaume-Uni)
Quel est selon vous le premier frein à la générali- l’importance d’être connectés. Certains commencent
sation du recyclage du plastique ? même à se rassembler dans des laboratoires pluridis-
Je crois que le premier problème, c’est la grande ciplinaires et mutualiser leurs fonds pour développer
diversité de plastiques, qui demande de développer d’ambitieux projets. Si nous commençons à nous
beaucoup de solutions. Le recyclage enzymatique considérer comme une équipe mondiale, et à nous
convient à certains plastiques, comme les polyes- répartir les tâches, nous multiplierons nos ressources
ters, mais nous avons besoin de technologies diffé- et notre expertise, et c’est très excitant !
rentes pour d’autres plastiques polluants, comme le
polyéthylène et le polypropylène. Au cours du som- Je pense que les experts, et nous le voyons avec
met, un large éventail de technologies a été présenté, l’énergie particulière qui se dégage de ce sommet à
notamment celles basées sur des processus méca- Monaco, sont prêts à faire le pas vers cette science
niques, chimiques, biologiques et thermiques. ouverte, et pas seulement sur le plan académique.
Il y a eu une session consacrée à l’industrie, où des
Le second problème majeur est la fragmentation des entreprises comme Amazon, Patagonia ou Carbios
initiatives. Rien que dans notre laboratoire de Ports- ont manifesté le désir de mutualiser leurs efforts de
mouth, qui compte une trentaine de chercheurs, nous réduction et de gestion de déchets plastiques. Nous
réalisons des expériences similaires à celles d’autres devons cultiver de grandes ambitions. Le problème
équipes dans des laboratoires du monde entier. Il y a est si terrible… Mais les solutions ont le potentiel pour
des consortiums similaires dans le monde mais ils ne générer une véritable dynamique économique.
sont actuellement pas bien connectés entre eux.
Quelles sont, selon vous, les premières actions à
Ce sommet peut-il permettre de favoriser de entreprendre ?
telles collaborations pour mieux faire face à la Le modèle économique mondial a développé une
problématique du plastique ? longue chaîne d’approvisionnement durant des dé-
C’est exactement ce que nous espérons encourager. cennies fondée sur l’usage du plastique. Cela va être
Nous voulons éviter la duplication et pousser les cher- très difficile à changer, y compris dans les habitudes
cheurs à partager les nouvelles données, parce que des consommateurs. La première chose que nous
c’est cela qui va accélérer massivement la recherche devons faire, c’est, bien sûr, de réduire la consomma-
et nous permettre de faire face à cette pollution mon- tion inutile de plastique. La seconde, c’est de résoudre
diale. Un sacré défi parce que la compétition scien- le problème de sa fin de vie. Si nous parvenons à
tifique a toujours été favorisée ! Nous avons besoin résoudre cela, alors le plastique pourrait devenir un
de scientifiques, d’ingénieurs, d’économistes et d’en- matériau d’avenir, à condition d’en faire un usage très
vironnementalistes pour produire une science plus raisonné, précis et ciblé.
inclusive. Des milliers de chercheurs travaillent sur
ce sujet dans le monde et réalisent de plus en plus