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10 | GOUVERNANCE DE L’OCÉAN








            SESSION 1.                                   Un enjeu de taille, notamment pour les communau-
            LA PÊCHE DURABLE                             tés côtières, ainsi que l’a rappelé Stephen Kankam,
                                                         cofondateur et directeur adjoint de Hen Mpoano en
            Tandis que quelque 100 millions de tonnes de pois-  République du Ghana, ONG qui vise une gouver-
            sons  sont  pêchés chaque  année, rendre  la pêche   nance durable des écosystèmes marins et côtiers le
            durable est une nécessité urgente pour l’avenir de la   long du golfe de Guinée. « Étant donné que plus de
            santé des océans. Les progrès vers cet objectif se   70 % du poisson pêché est consommé localement,
            heurtent cependant à des obstacles considérables,   la surpêche a des conséquences importantes sur la
            qu’il s’agisse de la surpêche, de la pêche illicite, non   sécurité alimentaire et les moyens de subsistance. La
            déclarée et non réglementée, ou de pratiques des-  menace qui pèse sur la ressource déstabilise égale-
            tructrices telles que le chalutage de fond. Le change-  ment la cohésion sociale et dénature la culture, car la
            ment climatique, l’appauvrissement de la biodiversité   pêche est un mode de vie ».
            et la pollution accentuent encore la pression sur les
            ressources  halieutiques.  Pourtant,  pour  réfor-
            mer les pêcheries non durables, il faut trouver
            un équilibre entre les objectifs écologiques et             « Nous devons travailler ensemble
            les aspects socio-économiques, nutrition-                    pour garantir la ratification du traité
            nels, géopolitiques et culturels. Cette session              sur la haute mer ».
            a exploré ces défis et les moyens de les re-                 Razan Al Mubarak, présidente
            lever, illustrés par des exemples de gouver-                 de l’Union internationale pour
            nance de la pêche, de conservation commu-                   la conservation de la nature
            nautaire, d’économie et de finance bleue.

            Nina Jensen, présidente-directrice générale de l’ONG
            REV  Ocean, a insisté sur la nécessité de mettre la
            science au cœur des décisions : « Si on avait eu la   SESSION 2.
            connaissance  actuelle de l’impact du chalutage  de   DES AIRES MARINES
            fond sur la biodiversité marine et l’atmosphère, il n’au-  HAUTEMENT PROTÉGÉES
            rait jamais été permis », précise l’intervenante norvé-
            gienne, proposant un « système de transparence des   La couverture mondiale des aires marines protégées
            pratiques de pêche au niveau mondial ». La question   (AMP) augmente rapidement d’un point de vue spatial,
            de la gestion des ressources halieutiques impose en   mais  de  nombreuses  zones protégées  n’atteignent
            effet des accords entre les États, comme le montre   pas leurs objectifs de conservation. Seules les zones
            le cas critique du stock de harengs en Atlantique   hautement et totalement protégées sont connues
            Nord. Pour Miguel Bernal, de la Commission géné-  pour leur efficacité. Le récent cadre mondial pour la
            rale des pêches pour la Méditerranée, les enjeux liés   biodiversité et le projet d’accord tant attendu sur un
            à la pêche durable ne peuvent être dissociés des ob-  traité juridiquement contraignant pour la haute mer
            jectifs de développement durable concernant la faim,   offrent de nouvelles possibilités d’étendre et d’amélio-
            la pauvreté et la malnutrition. En revanche, avançant   rer la protection du milieu marin. Dans ce panel, des
            l’exemple de la Méditerranée, « l’une des rares zones   représentants de la science, de la gouvernance, de la
            à avoir connu une réduction de la surexploitation au   conservation et de la finance bleue ont examiné com-
            cours de la dernière décennie » - l’exemple du thon   ment combler le fossé entre des objectifs ambitieux
            rouge l’a prouvé - il est possible d’aboutir à une ges-  et une action efficace, en abordant le rôle des com-
            tion durable des pêcheries, à condition de respecter   munautés locales, de la société civile, des gouverne-
            les règles appropriées. « Si la pêche était bien gé-  ments et du secteur privé, et en soulignant les défis
            rée, nous pourrions avoir du poisson pour toujours »,   géopolitiques, socio-économiques et autres.
            soutient Rashid Sumaila, professeur d’économie de
            la  pêche  à  l’Université  de  la  Colombie-Britannique,
            auteur du récent ouvrage Infinity Fish.                          En 2023 : 8 % des mers sont
                                                          EN                 protégés, dont seuls 3 % en
                                                          CHIFFRES           zones hautement protégées.
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