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LA BIODIVERSITÉ ET
L'APPROCHE DE PRÉCAUTION
EN MÉDITERRANÉE
Le second panel a débuté avec l’éclairage de Virgi-
nie Tassin-Campanella, avocat à la Cour, fondatrice LA PROTECTION DES FONDS MARINS EN MÉDITERRANÉE
de VTA Tassin et vice-présidente du conseil scienti- L’éclairage de Virginie Tassin-Campanella (ci-dessus), avocat à la Cour :
fique INDEMER, qui est revenue sur l’essence même
du droit, « un outil de prévention des conflits », et le « La Convention des Nations unies sur le droit de la mer n’apporte
contexte singulier du bassin méditerranéen, marqué aucune mention spécifique liées aux activités d’exploration des
par une histoire très riche de navigation, de com- fonds marins. En Méditerranée, ce vide juridique est comblé par le
merce, d’échanges, de conflits et d’apports culturels. Protocole "offshore" qui intègre les fonds marins et la colonne d’eau.
L’avocate a pointé également l’importance de l’ap- Adopté en 1994 à Madrid, c’est cependant le protocole qui a été le
proche de précaution, un principe apparu avec la Dé- moins ratifié de la Convention Barcelone, si bien que la protection
claration de Stockholm (1972), quand la préservation des fonds marins reste peu considérée.
des ressources planétaires fait son entrée dans le droit.
« Les questions écologiques parviennent au rang de Ce manque de considération est également lié au fait que les études
préoccupations internationales dans un contexte géo- scientifiques sur les fonds marins sont limitées, soit parce qu’elles se
politique très complexe, quand les États s’accordent limitent à des zones riches en minéraux, soit parce qu’elles sont frei-
pour encadrer l’usage de la science et la technologie. nées par des conflits ou des zones grises, contestées, où il n’y a pas
À la suite de cela, les États côtiers de Méditerranée de collecte de données possible. Or comment faire pour appliquer
créent un mécanisme de gouvernance sous le nom de une approche de précaution sans données scientifiques ? »
Convention de Barcelone, convention socle adoptée
en 1976 qui a été reproduite dans différentes régions
du monde ». Le panel a fait état des apports cumulatifs de la
Convention des Nations unies sur le droit de la mer,
Les panélistes ont mis l'accent sur les aires marines de la Convention de Barcelone et de ses protocoles,
protégées et l'évaluation des impacts sur l'environne- de l'accord sur les stocks de poissons, de la Conven-
ment méditerranéen. En direct de Tunisie et du Maroc, tion OSPAR et du nouveau traité sur la haute mer
Montassar Ben Salem, docteur en droit, professeur (BBNJ). Les difficultés liées à la mise en œuvre de ce
assistant à la Faculté des sciences juridiques, poli- traité comme aux poches de haute mer, les différends
tiques et sociales de Tunis, et Sarra Sefrioui, profes- maritimes, la collecte de données océanographiques
seure associée à la Faculté des sciences juridiques, et la recherche scientifique marine ont également été
économiques et sociales de Tanger, ont creusé la thé- abordés. Mettant en avant différentes applications
matique de la biodiversité et l’approche de précaution des instruments juridiques en fonction des régions
en Méditerranée. Vasco Becker-Weinberg, professeur du monde, la modératrice a évoqué un cas de juris-
de droit à l'Université lusophone et à la NOVA School prudence néo-zélandais : autour d’un projet contes-
of Law, président de l'Institut portugais du droit de la té d’exploitation des sables dans les fonds marins, la
mer de Lisbonne, a précisé les différences entre l'ap- cour suprême s’est appuyée sur le droit existant et a
proche de précaution et le principe de précaution, qui reconnu la prévalence du droit coutumier des popula-
comporte un aspect légal. tions. « Il ne faut pas attendre que le conflit arrive. Le
rôle du droit n’est pas de réparer mais de prévenir le
Il a pris l’exemple du tout premier cas mondial, au Por- conflit et promouvoir la paix », conclut l’avocate Virgi-
tugal, de création d’une aire marine protégée en haute nie Tassin-Campanella.
mer, qui concentre « des défis très forts pour un droit
environnemental très avancé », précise l’intervenant.